- BRANDT (B.)
- BRANDT (B.)BRANDT BILL (1904-1983)D’origine britannique mais ayant passé son enfance en Allemagne et en Suisse en raison d’une santé précaire, Bill Brandt se détourne en 1929 d’un avenir d’architecte pour s’initier à la photographie dans l’atelier de Man Ray à Paris. Il s’y familiarise, en quelques mois, avec les techniques de laboratoire. Dès lors et jusqu’à sa mort il exercera la profession de photographe, s’illustrant successivement dans deux genres très différents: le photojournalisme à partir de 1930, abandonné en 1945 au profit de la pratique du nu qu’il va révolutionner par une approche intentionnellement non réaliste.Son séjour à Paris, dans un environnement intellectuel particulièrement stimulant, permet au jeune Brandt de bénéficier d’une triple influence: celle de Man Ray, bien sûr, mais surtout, grâce à celui-ci, celle des grandes figures du surréalisme; celle d’Atget, dont les vues pittoresques de Paris exsudent une «inquiétante étrangeté» qui enthousiasmait déjà les surréalistes; enfin celle de Brassaï, ce photographe d’origine hongroise, lui aussi sympathisant du groupe réuni autour d’André Breton et dont le Paris de nuit (1933) sera le modèle du futur A Night in London que Brandt éditera en 1938.À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Brandt s’installe comme photographe indépendant à Londres. Il entame alors pour divers magazines (Harper’s Bazaar , Verve , News Chronicle , etc.) une série de reportages dans lesquels il saisit les facettes contradictoires d’une Angleterre frappée de plein fouet par la crise de 1930. Volontiers satirique, il donne à ses photos la forme d’un «commentaire visuel» sur les grandes questions sociales de l’heure. Qu’il s’agisse de mineurs de fond rentrant du travail ou d’aristocrates dans le cadre luxueux et désuet de leur appartement, tous sont figés dans des images sombres aux contrastes violents. Portrait d’une époque, cette première production procède également d’une réflexion formelle sur la photographie. Pour Brandt, les potentialités spécifiques de ce média sont trop peu exploitées, toute innovation technologique étant abordée dans le cadre conceptuel des anciennes catégories. Au long de sa carrière, Bill Brandt reste fidèle au noir et blanc, dont il valorise le caractère dépouillé et les possibilités d’expression graphique par des tirages où éclatent les valeurs pures du noir et du blanc au détriment de la gamme des gris. Son travail donne lieu en 1936 à la publication de The English at Home (Batsford, Londres) et, en 1938, à celle de A Night in London (County Life). Dans ce dernier ouvrage, il révèle la richesse esthétique de la photographie en lumière artificielle, profitant du développement technique des ampoules flash qui repoussent les limites du photographiable.Durant la Seconde Guerre mondiale, Brandt continue à photographier dans une perspective documentaire. À la demande du British Home Office, il photographie les Londoniens réfugiés dans les abris souterrains lors des bombardements. De même, il effectue pour le National Buildings Record un relevé photographique des édifices menacés ou détruits par la guerre. Traités dans la «manière sombre» qui caractérise toute l’œuvre de Brandt, ces clichés en gris et noir dépassent le simple constat pour exprimer avec intensité la lourde angoisse de la guerre. Ce travail sera édité en 1948 sous le titre Camera in London (Krazna Krauss et Focal Press).À l’issue du conflit, Brandt change radicalement de style et abandonne le photojournalisme. L’acquisition d’une vieille chambre photographique aux qualités spécifiques (grand angle, mise au point fixe) lui permet de se lancer dans sa célèbre série de nus. Fortement influencé par le film Citizen Kane d’Orson Welles, Brandt tire un profit optimal des ressources de la profondeur de champ et des objectifs grands-angulaires. Il révolutionne le genre très convenu du nu féminin, déstructurant les corps dont il transfigure les lignes et les volumes par une approche graphique et non conventionnelle. Il estime que, dans un art récent comme la photographie, les règles ne doivent pas être édictées a priori, mais sont à édifier par le biais d’expériences nouvelles. Ses influences surréalistes ressortent alors plus nettement que par le passé, notamment dans le jeu des déformations et élongations des corps, qu’elles émanent des effets de la perspective, des distorsions optiques du grand-angle ou de la combinaison de ces deux phénomènes. Bien loin d’être un moyen pour représenter fidèlement un réel donné, ce procédé vise à en livrer une interprétation subjective, reflet de la vision intérieure de l’artiste. Cette recherche, poursuivie pendant trente-cinq ans, a fait l’objet de deux recueils, Perspectives of Nudes (1961) et Bill Brandt, Nudes 1945-1980 (Gordon Frazer, Londres, 1980).Brandt a aussi exécuté le portrait d’une série de personnalités du monde des arts, de Brassaï à Picasso en passant par Pinter et Zeffirelli. Enfin, il a interprété de manière dépouillée et poétique des scènes inspirées de la littérature anglaise en transposant des atmosphères textuelles dans des photographies de paysages ou de sites architecturaux toujours traités dans les tonalités sombres et angoissantes qui caractérisent son œuvre.
Encyclopédie Universelle. 2012.